François Ruffin : « Si nous gagnons sur les retraites, c’est un tremplin pour la gauche » 


C’est dans un bistro de la gare du Nord que le député insoumis François Ruffin a donné rendez-vous avant de reprendre le train pour sa circonscription d’Amiens. Détendu, combattif, « un peu galvanisé » même par les derniers jours, le Picard se lance dans une discussion à bâtons rompus sur le sujet qui occupe toutes les têtes : la situation sociale et démocratique de ce pays qui bout de colère contre la réforme des retraites.

Si nul ne sait encore comment s’écrira la suite de l’histoire – c’est d’ailleurs le propre des moments de révolte ou de révolution, souligne François Ruffin –, le « député-reporter », qui fustige les violences policières d’un pouvoir aux abois et rend grâce aux syndicats qui ont « super bien joué » depuis le début du mouvement, estime désormais que tout est possible… même la victoire.

François Ruffin à Paris, en avril 2022. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Mediapart : Les manifestations contre la réforme des retraites de jeudi ont été massives, et même à certains endroits, plus fortes que les précédentes. Sommes-nous au dénouement ou au commencement du moment politique que nous vivons ?

François Ruffin : Depuis le 49-3, nous sommes entrés en terre inconnue. Bien malin qui peut aujourd’hui faire un pari ou une prophétie. Le pouvoir tenait jusque-là par la force de résignation. Aujourd’hui, il doit recourir à la force de coercition. Sur les manifestants, ce sont les matraques et les LBD. Sur les salariés, ce sont les réquisitions. Sur les députés, c’est le 49-3.

Au fond, Emmanuel Macron est resté au pouvoir, l’an dernier, avec une grande fragilité : réélu sans élan, sans enthousiasme, avec un vote qui, disait-il, l’« oblig[eait] ». Et surtout, aux législatives, ses candidats sont laminés dans des coins entiers du pays, comme le mien, et il n’obtient qu’une majorité de raccroc à l’Assemblée. Voilà qui aurait dû l’incliner à la prudence, à la modération, à la sagesse. Mais non. Son péché, sa terrible faute, depuis un an, c’est qu’il comble sa fragilité par de la brutalité.

Condamnez-vous les violences policières qui ont eu lieu ces derniers jours dans les manifestations ?

Les arrestations préventives, les nassages, les motos qui roulent sur les manifestants…, je n’analyse pas cela comme des dérapages individuels. C’est un choix politique. Je me souviens qu’après les « gilets jaunes », en 2020, j’avais auditionné des syndicats de policiers [pour un rapport parlementaire visant l’interdiction de certaines techniques de maintien de l’ordre – ndlr], qui m’avaient dit : « Les gilets jaunes, c’est une crise sociale qui réclamait une réponse politique. On n’y a apporté qu’une réponse policière. »

Quatre ans plus tard, rebelote. Le gouvernement n’apporte à la crise sociale, et démocratique, qu’une réponse policière. Et avec les mêmes conséquences : une montée de la violence, qui est toujours une défaite, qu’elle porte un uniforme ou non. La France est pointée du doigt par la Défenseure des droits, par le Conseil de l’Europe, par Amnesty International…

Qu’est-ce qui amène dans cette impasse ? Derrière la matraque, et même derrière Gérald Darmanin, il y a les choix politiques d’Emmanuel Macron : tous les syndicats unis contre sa loi ? Il ne les entend pas. Deux Français sur trois, quatre salariés sur cinq ? Il ne les entend pas. Des millions de personnes, en manif, une, deux, trois, quatre, cinq fois ? Il ne les entend pas. Même les députés qui n’auraient pas voté son texte, il ne les entend pas. Sciemment, très cyniquement, le président joue le pourrissement. Comme durant les gilets jaunes.

La presse a révélé que, lundi, les brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M) ont commis des agressions, notamment racistes, à l’encontre de manifestants. Le 22 mars, vos collègues de La France insoumise avaient envoyé un courrier à Gérald Darmanin où ils réclamaient un « démantèlement à titre provisoire » des BRAV-M. Êtes-vous favorable à leur dissolution ?

Oui. Manifestement, ces unités n’adoptent pas franchement une stratégie de « désescalade »… On a vu un changement de pied côté Darmanin. Après des manifs paisibles et une police à distance, le ministre a repris les mêmes méthodes de maintien de l’ordre que lors des gilets jaunes. Quand il a réuni tous les préfets, en fin de semaine dernière, après l’annonce du 49-3, ce n’était pas pour leur apprendre à faire des câlins.

Mais j’insiste : c’est un choix politique, et Macron choisit la politique du pire, avec les « débordements » comme alliés. Que le pays brûle, à un moment, c’est dans son plan : ensuite, le pyromane se présente comme pompier. L’homme par qui le chaos arrive va maintenant incarner le parti de l’ordre…

J’ai toujours cherché la masse, le nombre, les millions, le peuple, à convaincre la majorité, à la faire bouger, dans la rue ou dans les urnes. C’est le seul chemin que j’entrevois pour la victoire.

Lancez-vous un appel au calme aux manifestants afin qu’ils ne tombent pas dans ce que vous décrivez comme un piège tendu par le pouvoir ?

Je doute toujours que ma parole pèse, mais bon, je veux bien, à travers vous, leur faire part de mes réflexions quant au « rôle de la violence dans l’histoire », pour reprendre un titre d’Engels. Personnellement, j’ai toujours cherché la masse, le nombre, les millions, le peuple, à convaincre la majorité, à la faire bouger, dans la rue ou dans les urnes. C’est le seul chemin que j’entrevois pour la victoire. Dès lors, la violence individuelle ou groupusculaire nous nuit : elle éloigne les gens, elle rend le mouvement impopulaire, et sert finalement les intérêts des puissants, qui agitent ça comme un épouvantail.

C’est à la fin du XIXe siècle que, d’après moi, s’opère le plus clairement ce choix. D’un côté, le mouvement anarchiste, avec la propagande par le fait, la pose des bombes. De l’autre, le mouvement socialiste, qui parie sur les millions de travailleurs, sur la levée en masse.

Pour moi, tout libertaire, tout individualiste que j’étais adolescent, isolé, révolté, chantonnant le Ravachol de Renaud, c’est le mouvement socialiste qui avait raison. D’ailleurs, je me souviens d’un livre qui m’a marqué, qui a participé de mon basculement : L’Œil du lapin, où François Cavanna raconte le destin très commun de sa mère. Femme de ménage quand éclatent les bombes anars, elle prend ça en horreur, elle se range du côté de l’ordre. La mère de Cavanna, et ma mère, et nos mères, avec leur décence et leur bon sens, on doit les avoir avec nous, ne pas les effrayer…

Mais attention, le mouvement socialiste n’agit pas sans violence : les années 1900 sont très agitées, avec des premiers mais en batailles rangées, avec un repos dominical qui se conquiert dans la douleur, avec des châteaux qui sont saccagés par des émeutes ouvrières, avec des affrontements entre les mineurs et la troupe… et avec le bon Jaurès qui défend tout ça.

Mais cette violence n’est pas individuelle ni groupusculaire. C’est une classe, un peuple qui se soulève, celui qui a pris la Bastille, ou plus près de nous, plus modestement, les « Contis » qui envahissent la sous-préfecture de Compiègne, qui jettent des ordinateurs par la fenêtre, la jacquerie des licenciés. Ça n’a pas le même sens.

La seule question qui vaille, d’après moi, aujourd’hui, c’est : comment fait-on bouger des pans encore endormis du pays ? C’est le nombre qui fera plier Macron.

Que préconisez-vous ?

Le diagnostic, d’abord : nous avons des classes populaires en convalescence. C’est sans doute vrai, encore davantage dans des terres industrielles comme chez moi, qui ont subi la fuite des usines, mais ça me semble vrai partout. À un malade, tu ne dis pas : « Lève-toi et viens battre le record du saut en longueur, on va faire la révolution ! » Non, juste un pas, ce sera déjà ça. Et ensuite viendra un second pas. Et enfin, on pourra relever le nez vers un horizon…

Moi, mon but, aujourd’hui, c’est que les gens prennent confiance et conscience de leur propre force. « Vous comptez. Vous êtes importants. Vous pouvez faire bouger le pays. On parle de vous. Ils ont peur. » Alors qu’on leur a dit être, et qu’ils se sentent tous les jours, des « gens qui ne sont rien », qui ne comptent pas. Domine alors l’immense fatalisme du « c’est comme ça ». Voilà l’ennemi. Voilà la véritable bataille. C’est ça qui doit basculer, dans les têtes : « On peut gagner. »

Vous l’avez constaté sur le terrain ?

C’est contrasté. J’analyse, dans mon département, les manifestations d’hier. À Abbeville, le matin, il y avait deux fois moins de monde que le 19 janvier (j’ai compté), et un peu grise mine, de la mélancolie. Un rond-point est bloqué par une poignée d’artisans, un autre par les syndicalistes des usines, mais les ouvriers, eux, la plupart, vont bosser. Idem sur la zone industrielle d’Amiens, malgré le blocage : les ouvriers sont moins en grève, Goodyear a effectué 80 % de sa production, aucun « regain de mobilisation », ici, plutôt un reflux. C’est lié à un facteur matériel, évidemment, le pouvoir d’achat, le compte en banque à zéro, mais aussi à un facteur spirituel, cette idée que « de toute façon, ça va passer ».

Arrive la manifestation à Amiens : du jamais-vu. Par le nombre, immense, on renoue avec les pics de janvier, en gros. Mais surtout par l’énergie, par un changement d’état d’esprit : « On peut gagner. » Et surtout, par ce parcours, jamais opéré : le cortège est parti du centre-ville, est passé par la fac, puis par les quartiers nord, et jusqu’à la zone industrielle. J’étais hyper-ému, parce que c’est la jonction qu’il nous faut, des profs et des prolos en gros. Et pour la première fois, la jeunesse était là, qui apporte une énergie. Le miracle, si j’avais une lampe merveilleuse et un seul souhait, c’est qu’une contagion de l’espérance dégèle les cœurs populaires, qu’ils se remettent à y croire.

François Ruffin à Paris, en avril 2022. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Faut-il réajuster le discours de la contestation pour élargir encore le mouvement : par exemple, parler moins des retraites et davantage de la question démocratique, ou ouvrir à d’autres problématiques sociales…

On peut très bien tenir les deux bouts à la fois. Que se passe-t-il ? Nous sommes entrés dans le conflit sur un motif social : « Non aux deux années de plus ! », nous en sommes à une crise démocratique : « Comment se fait-il qu’un homme peut décider tout seul là-haut ? ». C’est le même scénario que pour les gilets jaunes : on entre par le prix du gasoil, on en sort avec le désir d’un « référendum d’initiative citoyenne » (RIC). Même chose pour la Révolution française : ça commence par « qui paie les impôts ? » et ça conduit aux états généraux, à l’Assemblée nationale, à la fin de la monarchie absolue. Aujourd’hui, c’est la crise démocratique qui amène la jeunesse dans la rue.

Certains à La France insoumise tentent d’ores et déjà de mobiliser autour du passage à la VIe République. Cela vous semble approprié ?

C’est bien de le poser comme horizon. Maintenant, quel est le premier pas, où en sont les esprits ? « Le président ne peut pas décider tout seul. » Très concrètement, on peut évoquer un changement de Constitution, mais il faut déjà faire plier Macron. Si on obtient ça, ça rouvrira un imaginaire démocratique, ça donnera de l’élan. Vous savez, en 1789, les gens ne se sont pas dit : « On va faire la révolution ! » Ils ne s’en rendaient pas compte, qu’ils la faisaient. Ils ont avancé dans la brume. C’est pour ça, quand on lit la BD Révolution, pendant des pages on ne comprend rien… parce que les acteurs eux-mêmes ne comprenaient rien !

Macron exerce aujourd’hui une violence presque personnelle, très visible, sur le corps social. Même dans le camp libéral, on s’interroge : c’est malhabile, ça pourrait devenir dangereux.

Et puis, démocrate, je ne veux pas l’être à moitié, que quand ça nous arrange : pour sortir de la Ve République, il faudra le demander aux Français. La réponse, aujourd’hui, n’est pas assurée. En revanche, inscrire le RIC dans la Constitution, c’est déjà un mot d’ordre populaire, de bon sens, un pas que les gens ont envie de faire ensemble vers notre horizon.

Et la solitude de Macron, contre le reste de la société, en fait un terreau magique… Même le patronat ne le soutient pas. Même les éditorialistes sont mal à l’aise : les puissants, normalement, ont un certain savoir-faire pour habiller de manière acceptable, courtoise, douce, les reculs qu’ils imposent, leur violence s’habille joliment. Or, Macron exerce aujourd’hui une violence presque personnelle, très visible, sur le corps social. Même dans le camp libéral, on s’interroge : c’est malhabile, ça pourrait devenir dangereux.

Peut-on considérer le moment comme une fenêtre d’opportunité ?

Je veux replacer cette crise dans un temps plus long. Vous savez que, depuis longtemps, je suis guidé par une phrase de Gramsci, qui analyse bien l’époque que nous vivons. Il dit : « Nous sommes dans un temps de détachement de l’idéologie dominante. » Ca signifie, pour nous, que croissance, concurrence, mondialisation, n’attirent plus les gens, ces mots les inquiètent, les dégoûtent. Dès lors, poursuit Gramsci, « la classe dominante ne parvient plus à diriger, seulement à dominer, et à dominer par la force de coercition ».

Le bloc libéral ne s’effondre pas, ne croyons pas cela, mais il s’effrite, dans la durée, c’est un processus continu, avec parfois des chocs : pour les ouvriers, qui ont voté « non » à 80 % [au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe], le 29 mai 2005 marque un décrochage. La loi Travail et Nuit debout pour la classe intermédiaire, plus éduquée, des centres-villes.

La réplique, dans les campagnes, dans la France des bourgs, ce sont les gilets jaunes… Aujourd’hui, ça secoue partout. Des particules vont encore décrocher du bloc central, soit parce que « deux ans de plus, c’est injuste », soit parce qu’« on ne vit pas en démocratie » : où iront-elles ? Chez nous ? À l’extrême droite ? Dans l’abstention-résignation ? Le match est engagé. Mais plus ça bouge aujourd’hui, plus ça rejoint des collectifs, plus on passe du statique au dynamique, plus on se donne des chances pour demain.

François Ruffin à un meeting de la Nupes. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Que pensez-vous de l’attitude des syndicats depuis le début du mouvement ?

Dans les limites qui sont les leurs, jusqu’ici, de mon point de vue, ils ont super bien joué. Il y a deux lectures qui s’opposent, que j’entends parfois. Que les syndicats ne voulaient pas lancer la bataille, que la fin janvier, c’était trop tard, qu’ils ont freiné les secteurs prêts à en découdre, et qu’au fond, ce sont des traîtres en puissance.

Ce n’est pas du tout ma lecture. Au contraire, de là où j’habite, je vois un pays en dépression politique. Or les syndicats sont parvenus à saisir le bon tempo pour réveiller les gens, pour faire bouger dans les profondeurs des régions, avec un travail de conviction, dans l’ombre. Ils ont, à mon sens, bien pris le pouls du pays. Avec, pour moi, des petits miracles : des manifestations à Albert, Doullens, Péronne, Friville-Escarbotin, dans les petites communes.

Et ils ont laissé à leur base, aux intersyndicales dans les départements, de la latitude, de la souplesse, sur les modes d’action : manifestations, grève, blocages, occupations… Si les grèves ne sont pas puissantes, ce n’est pas, je ne crois pas, parce que là-haut les grands chefs à plumes ne le veulent pas. Sans doute que tous ne le souhaitent pas. Mais ce sont les gens, en bas, surtout, qui ne provoquent pas des AG, qui n’arrêtent pas dans leur boîte ou collège, qui ne sont pas saisis d’une émulation.

Enfin, c’est aussi grâce aux syndicats que la loi n’avait pas de majorité dans l’Assemblée. Ce sont eux qui ont démarché les députés macronistes ou les députés Les Républicains, et qui, par un lobbying citoyen, les ont convaincus. Ce sont eux qui ont contraint le gouvernement au 49-3.

Faut-il néanmoins les déborder ?

Le sujet, à mon avis, n’est pas de les déborder mais de les compléter. Il y a des pans de la société où les syndicats ne savent pas faire, sont absents, et ce n’est pas leur boulot. Les quartiers populaires, par exemple, ou la jeunesse, ou les artisans, ou les isolés, c’est à d’autres, à nous, de ramener ça, et nous ne sommes pas au bout. Gramsci dit qu’« on ne conquiert pas les masses de manière moléculaire, mais en passant par leurs intellectuels organiques ». Qui sont-ils aujourd’hui ? Les footballeurs, les rappeurs et… les influenceurs. Léna Situations a fait beaucoup pour la mobilisation ! Quand on t’explique, sur TikTok, comment t’habiller pour aller en manif, ça compte !

Quel peut être le rôle de la gauche dans ce paysage ?

Il y a le boulot à l’Assemblée nationale. Même si j’étais favorable à sa discussion, il fallait empêcher que l’article 7, repoussant l’âge de départ à 64 ans, soit voté. Imaginez les bandeaux de BFMTV, Aurore Bergé venant frimer, si le report avait été voté. Ça aurait découragé le mouvement… Mais l’essentiel est au-delà : il nous faut incarner un débouché politique.

La France insoumise a été très offensive sur les bancs de l’Assemblée – s’attirant, du coup, de nombreuses critiques – mais vous avez expliqué il y a quelques mois que vous vouliez au contraire vous « soc-démiser »… N’avez-vous pas choisi une stratégie à contre-temps ?

D’abord, même si on s’en fout, je ne me suis pas prétendu social-démocrate. J’ai toujours dit : « Je suis social et démocrate. » Je veux le partage des richesses et je veux que le peuple décide. Et le souci des sociaux-démocrates, c’est qu’ils ne sont plus ni l’un ni l’autre depuis longtemps… Ensuite, l’Assemblée, les gens n’ont pas le nez dedans : ce qui compte, pour eux, c’est le porte-monnaie et combien de temps ils vont devoir bosser.

Comment faire pour que la gauche, et pas l’extrême droite, s’impose comme le débouché politique de la contestation ?

Mai 68 se traduit pour moi en mai 1981, les grèves de 1995 donnent Jospin, le mouvement de 2010 contre les retraites Sarkozy amène Hollande… Quand on énonce ces trois cas, on voit bien pourquoi le débouché politique ne met pas en appétit. À chaque fois ce furent des déceptions ou des trahisons. Ces expériences pèsent dans les têtes des gens. Et l’autre donnée : il y a désormais une autre issue, un autre débouché possible à la colère, qui est le Rassemblement national.

Si nous gagnons, c’est évidemment un tremplin pour la gauche. C’est nous, les syndicats, les militants, qui aurons arraché cette victoire. Mais même si on ne gagne pas, plus le mouvement est fort, plus il affilie les gens à des idées progressistes, plus on place la question sociale au cœur des débats, mieux c’est pour nous. La pente, la pente de l’indifférence, la pente du ressentiment, elle ne coule pas dans notre sens, elle va vers le Rassemblement national. Nous, il nous faut la remonter, ne pas laisser stagner la résignation, la transformer en une espérance. Et il faudra le faire, d’une manière ou d’une autre, avec les syndicats, qui ont montré leur rôle…

En 2017 et 2022, le candidat de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, était plutôt dans l’idée de contourner les corps intermédiaires…

La France insoumise a toujours travaillé avec des syndicalistes, évidemment. Mais je pense que, cette fois, il faudra qu’ils en soient partie prenante, avec des modalités à trouver. Avec, notamment, la question du travail, qui mine les classes populaires, qui doit revenir au cœur d’un discours gauche.

Les deux cents, trois cents, quatre cents qui ont manifesté à Friville-Escarbotin, on ne doit pas les lâcher. Ils doivent se sentir embarqués dans un projet pour notre société. Et le lien avec eux, ce sont les syndicats.

Faudra-t-il faire des retraites un sujet central pour la présidentielle de 2027 ?

Il faut le poser : « 60 ans, 40 annuités », mais ça n’est pas un projet pour notre société, c’est de la tuyauterie budgétaire, même si j’en appelle à un « contrat intergénérations », pour la jeunesse, qui est aujourd’hui écrasée comme l’était la vieillesse après-guerre.

Mais nous devons répondre à des questions bien plus amples : l’hôpital qui est en lambeaux, l’école de la République qui recrute ses enseignants en job-dating, le rail qui déraille, les prix délirants de l’énergie, la pénurie de médicaments… Tous ces bugs, en même temps, ne sont pas des coïncidences. C’est un même système qui est à bout : quarante années de « réduction des déficits », de « concurrence libre et non faussée », de « libre circulation des capitaux et des marchandises ».

Il nous faut sortir de la parenthèse libérale, ouverte en 1983, et en y ajoutant la crise climatique. Tout est à transformer : l’industrie, le logement, les déplacements… Voilà nos vrais défis. Et j’en veux surtout à Macron pour cet immense gâchis : on devrait se rassembler, se retrousser les manches pour affronter tout ça, avec énergie, avec envie, et à la place, lui fait quoi ? Des contre-réformes à la noix. Et c’est avec ça qu’il prétend « laisser une trace dans l’histoire » ! Quel rigolo ! C’est d’un ridicule.



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